Dans la bouche de Scanreigh la peinture sur bois se résume souvent au mot palette. Quoi qu'en suggère la malicieuse homonymie avec l'objet archi-emblématique de la peinture "à l'ancienne", ces œuvres dénommées palettes sont peintes sur les lattes de bois provenant des plateaux pour chariots élévateurs à fourche qu'on utilise dans la manutention des marchandises. Scanreigh les a détournés pour en faire des supports pour sa peinture. Passé précédemment par la case "sculpture" au début des années 80, il s'était habitué à travailler des matériaux de récupération et il était assez logique que lui vienne l'idée d'exploiter des palettes trouvées dans les locaux industriels qui abritaient son atelier. Après quelques premiers ajustements à la scie, il s’est vite laissé entraîner à découper et à recomposer ce bois brut dans toutes sortes de formes. C’était un moyen d’échapper au sempiternel parallélépipède du tableau et par la décomposition-recomposition de ce bois étranger et étrange de régler leur compte dans sa tête aux bandes des anciens tableaux abstraits. L'aspect brut du support l’a incité à peindre franc, à y aller tout à trac dans le vif et l’opulent… non sans oublier les collages, provenant le plus souvent de fragments d’estampes au tirage imparfait ou en surnombre… et d’y ajouter parfois, comme la cerise sur le gâteau, le bois des matrices ayant servi à leur impression.
La deuxième avec rencontre, 1992 Huile sur bois et collages, 120 x 210 cm Collection Ville de Lyon [1992 022]
A votre musique avec cris, 1992 Huile sur bois et collages, Ø140 cm, Collection particulière [1992 028]
à gauche : Le texte de Daniel, 1993, Huile sur bois avec collages, 140 x 115 cm Bibliothèque universitaire - Manufactures des tabacs, Lyon 3 [1993 016] à droite : Histoire(s) du dormeur (vue R°V°), 1994 Huile sur bois et collages, 156 x 63 x 17 cm Musée Dini, Villefranche-sur-Saône, [1994 005]
à gauche : Les poses et l’éclat, 1993 Huile sur bois avec collages, 120 x 120 cm Collection particulière, [1993 021] à droite : L'instant des livres illustrés, 1992 Huile et collages sur bois bois, 150 x 117 cm Collection particulière, [1992 015]
Jean parle des tableaux, 1996 Huile sur bois, 194 x 154 cm Collection particulière [1996 002]
Totems des années 90 de la collection du Musée Paul Dini, Villefranche-sur-Saône
En réalité, on peut étendre la catégorie "palette" à l'ensemble des supports en bois : des casses de typographe, des panneaux de meubles, des dossiers de chaises et des petits formats en partie gravés sur du médium et peints, les Hublots. Toutes ces œuvres interfèrent même avec la catégorie des dessins quand ils sont réalisés sur du bois comme les Squiggles qui ressemblent à de petits tableaux alors que ce sont des dessins au crayon, au fusain rehaussés de gouache. La catégorie interfère aussi avec celle des "estampes" quand il s’agit des grandes matrices gravées de la série Stations du noir – œuvres uniques existant pour elles-mêmes et non destinées à l’impression.
à gauche : Ils y pensent, 1998 Huile et collages sur porte de meuble, 64 x 84 cm Collection particulière.[1998 010] à droite : Une Ile, 1995 Huile et collages sur casse de typographe en bois 50 x 85 cm, Collection particulière.[1995 026]
à gauche : trois exemplaires de la série Hublots, 2007 Encre et huile sur bois (médium) gravé, 35 x 35 cm à droite : matrices en bois gravé de la série Stations du noir, 2013, 120 x 60 cm [2013 017] & [2013 020] Vue d'exposition à la Chapelle-Villars en 2023
à gauche : In memoriam (John Henry Hunter), 2013 Tocade pour Jill Johnston et Jasper Johns Huile et collages sur bois, 138 x 53 x 4,5 cm [2013 011] à droite : Pierre aux éditions, 2023 Tocade pour Pierre Alechinsky et les éditions Fata Morgana, 2023 Huile sur bois, 93 x 68 cm [2023 021]
Avec le déménagement de l'atelier de Villefranche en 2006, les bonnes grosses palettes ont passé le relais à des palettes plus rares et plus légères faites avec des emballages en bois comme des coffrets pour bouteilles de vin ou de champagne. Ainsi les éditions Fata Morgana ont vu deux petites caisses en bois de leurs livres se métamorphoser en palette en conservant le marquage de leur nom en relief.
Les Faces inconnues, 1993 Huile sur bois avec collages et matrice gravée pour impression 150 x 143 cm. Collection particulière [1993 003]
Cette palette a fait l'objet d'un livre d'artiste que j'ai réalisé en 1997 avec Scanreigh.
Les Faces inconnues, Assemblage avec collages L’Alphée, Buis-lès-Baronnies, 1997, 25,5 x 21 cm. (26) pages reliées à la chinoise. Texte-interview inspiré d’une peinture sur bois de Jean-Marc Scanreigh de 1993, Les Faces inconnues, mis en page par l’auteure et typographié en rouge sur Punch Lagon bleu 120 g, accompagné de 14 dessins au trait, de 5 photographies dont 3 vues de l’atelier de l’artiste par Alain Kaiser imprimées en phototypie par Item Éditions à Paris et d’un bois gravé en vert en feuillet libre ; le tout sous couverture Marmor bleu vif 300 g avec rabat. Tirage à 130 exemplaires numérotés de 1/130 à 130/130, signés par l’artiste et l’écrivaine, dont les 30 premiers exemplaires numérotés de 1/130 à 30/130 sont accompagnés de 4 bois gravés supplémentaires imprimés par l’artiste sur fond de cliché trait ainsi que d’un dessin original aux crayons de couleur et à l’aquarelle sur feuillet libre.