La sculpture est là dans l’imaginaire de Scanreigh depuis le début. Deux photos médiocres témoignent d’une pièce présente à l’exposition de 1976 au Musée d’art moderne de l’Ancienne Douane de Strasbourg et qui n’a pas survécu à l’événement. Il s’agissait d’une sculpture minimaliste faite de panneaux peints au pistolet dans un agencement déboîté assorti d’un mikado de barres fines.
Il faudra attendre la période critique du début des années 80 pour que la sculpture redevienne un sujet. Elle offrira à Scanreigh des béquilles pour se sortir de sa manière de peindre qu’il perçoit, après plus de dix ans de pratique, comme trop procédurale et trop distanciée. Il veut mettre les mains dans le cambouis et c’est ce qu’il fait en s’initiant au fonctionnement des outils et des techniques de l’estampe. Mais avant et parallèlement à cette nouveauté, il y a eu la « séquence sculpture » assez productive et dont il ne reste quasiment rien. Scanreigh en parle comme de « la réussite d’un ratage », par quoi il entend qu’il n’y a pas eu de développement de la sculpture en tant que telle mais que la démarche n’a pas été vaine, loin de là !
La séquence commence en 1981 dans l’atelier de la rue Raisin à Saint Etienne. Elle se poursuit à Lyon en 1983 ou plus exactement dans les deux ateliers vétustes qu’il a occupés successivement à Villeurbanne avant de s’installer « royalement » à Villefranche-sur-Saône en 1988 dans les locaux mis à sa disposition par l’industriel mécène Gilles Blanckaert.
Les premières sculptures stéphanoises sont principalement des assemblages de métaux de récupération où sont intégrées très souvent des barres de verre trouvées dans les anciens ateliers de passementiers de Saint-Etienne.
Malgré le lest des pièces d’acier ou de fonte qui constituent leur base, les sculptures paraissent légères par la présence de fils de fer, de tiges et de petits accessoires suspendus, le tout peint de couleurs vives. Si le néo-sculpteur s’affaire avec liberté, le peintre est embarrassé, voire paralysé, par son désir de renouer avec la figuration. «Par où commencer ?» «Quoi représenter ?» Et la réponse au début est «le moins possible» comme par fidélité au minimalisme des débuts. Quoi de mieux alors que ces sculptures hirsutes sans sujet précis qui déploient dans l’espace leurs formes effilées comme des «dessins abstraits dans le vide». Elles vont fournir des motifs figuratifs pour la peinture. Elles restent allusives comme restent allusives les formes que la vision paréidolique du peintre traque fébrilement dans les froissures en trompe-l’œil de sa peinture abstraite et qu'il extrait du dédale de plis par touches progressives et prudentes.
En 1988, le déménagement obligé de l'atelier de Villeurbanne pour cause de démolition aura pour conséquence la destruction de la plupart des sculptures métalliques. Après cet épisode, Scanreigh multiplie les approches. S’il travaille le bois en tant que graveur, il le travaille aussi en tant que sculpteur. Ainsi la peinture se laisse gagner par la 3e dimension dont certains supports prennent vraiment une allure sculpturale. C’est la période des «palettes» et des «totems» tenus par des socles et peints recto-verso.
Scanreigh a aussi travaillé le plâtre et la cire dont deux modèles seront édités en bronze par Bruno Cuffini dans sa fonderie à Cusson près de Tain-l'Hermitage.
Très peu de sculptures de la première période ont été conservées. Quelques rares pièces existent dans les collections privées dont une statuette en plâtre peint volée lors d’une courte exhibition à Oullins en 1984. Seules trois pièces de grandes dimensions se trouvent dans des collections publiques.
La Table apprêtée figurait à l'exposition Les Jardins de Babylone à Strasbourg en 1986. Cette sculpture, parmi les plus importantes des années 80, est un condensé d'idées par le travail des lignes et leur mise en couleur, ainsi que par le traitement non sans humour des pieds du socle et cette longue chaîne qui semble tenir en laisse un morceau de feutre peint dans le style expressionniste abstrait. F.B.