2025-07-10

Avant-guerre, sur l'art etc – La fin

Avant-guerre, sur l'art etc – La fin

Le deuxième numéro d'Avant-Guerre sur l'art, etc. est sorti au cours du 1er trimestre 1981. Rassembler des textes s'est avéré plutôt facile. C'est le financement et la distribution qui étaient le nerf de la guerre – avant/après n'y changeant rien ! Puis vint l'éparpillement géographique des uns et des autres, la vie professionnelle ne permettant plus les à-côtés énergivores d'une revue aussi ambitieuse. Pour la faire vivre, il aurait fallu devenir des professionnels. Or chacun était engagé dans une voie à la fois différente et prioritaire. Scanreigh et moi firent paraître le dernier numéro en 1985.  Didier Semin dans sa postface à la réédition par L’Echoppe d’un article d’André Chastel paru dans notre N°2 d’Avant guerre en parle ainsi :

[…] "Le n° 3 ne parut qu’en 1985, sous l’égide d’une association créée pour la circonstance et bien nommée ALEA (Amis de l’édition artistique), qui céda ses fonds, la même année, aux éditions du Limon pour permettre la publication d’un texte de Jean-Claude Lebensztejn sur Monteverdi (« Imiter sans fin le chant de l’aimable angelette ») : cette plaquette, qu’on ne peut pas exactement définir comme une revue, fut cependant livrée aux abonnés qui avaient souscrit pour quatre numéros, l’honneur était sauf. Les noms de la plupart des auteurs qui figurent aux sommaires tracent la carte de ce qui était notre réseau de complicités dans le monde littéraire et universitaire : Éric Michaud, Roland Recht, Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe avaient été nos professeurs à Strasbourg, en histoire de l’art ou en philosophie. Ils nous avaient fait rencontrer Jean-Claude Lebensztejn, Jean Louis Schefer, Eric Darragon (qui acceptèrent tous trois de se joindre à Éric Michaud pour un éphémère comité de rédaction), Henri Zerner, Charles Rosen, ou Yve-Alain Bois. Les traductions d’Einstein et de Dvořak furent assurées par Bertrand Badiou, avec l’aide de Christian Bernard.

De sorte que le texte d’André Chastel est sans doute le seul que l’auteur nous ait confié sans y être incité par une pression amicale, si l’on excepte une recommandation, sans doute, d’Éric Darragon, dont la discrétion empêchait qu’il s’en vantât auprès de nous d’une quelconque manière. Christian Bernard avait fait parvenir à l’historien le premier numéro de la revue en juin 1980, présentant notre projet (nous ne doutions de rien) comme une tentative de synthèse entre Artforum et La Revue de l’Art, que Chastel avait fondée en 1968. […]

Malgré son allégeance aux codes esthétiques des eighties, le N°3 de la revue fut son chant du cygne. Non seulement une page se tournait, mais tout avait changé dans l'attente de ce dernier numéro. Les amitiés, les relations, les lieux, toutes les cartes étaient redistribuées, la gravure et la lithographie, arrivées en force dans la pratique de Scanreigh donnèrent à l"édition" une tout autre définition. Et moi, m'étant fait la main, j'avais réalisé le catalogue Scanreigh pour l'Artothèque de Lyon, place des Terreaux, et un autre pour Soulages… (Je m'en veux encore de ne pas lui avoir demandé de signer le catalogue un soir alors que toute l'équipe de l'Artothèque était réunie avec lui au restaurant.)

Pour Scanreigh tout interagissant avec tout, sculpture, gravure, peinture, la voie vers le livre d'artiste s'ouvrait tout naturellement … ou plus exactement se ré-ouvrait car il y avait eu des précédents.

— En 1976 : Les “blancs” en effet, un livre avec des permutations dactylographiques de Jean-Claude Lebensztejn à partir d’un extrait de la préface de Stéphane Mallarmé à Un coup de dé jamais n’abolira le hasard accompagné de tampons de Scanreigh dont plusieurs planches du texte sérigraphié avant découpe des pages comportent des aquarelles abstraites représentant une sorte de prototype de livre d'artiste

— En 1977 : Ohne Nowhere, Poème-journal de voyage de Christian Bernard, livre dont un tirage de tête à 15 exemplaires est accompagné de dessins au pastel sec ou à l’aquarelle selon les exemplaires.

— En 1984 : Heyst, Éditions Baby Lone, qui inaugure la collaboration avec Daniel Sardet pour une suite d'ouvrages parmi les plus beaux et les plus raffinés réalisés par Scanreigh.

Mais en 1985, nous ne savions plus quoi penser de l'épisode Avant-guerre. Il fut refoulé avant que nous puissions lui assigner une place. A vrai dire, ce n'est pas à nous de le faire … 

— Avant-guerre N°2, 1er trimestre 1981 : André Chastel, La sphère et le cube ; Carl Einstein, Braque le poète ; Eric Darragon, Manet et la mort foudroyante ; Harold Rosenberg, Joan Mitchell ; Philippe Lacoue-Labarthe, Venise, légendes ; Pontormo, Michel-Ange : lettres à Varchi, présentées par Jean-Claude Lebensztejn ; Yve-Alain Bois, El Lissitzky, didactiques de lecture ; Autour d'Hölderlin : l'Antigone de Sophocle / J. Derrida, R. Laporte, J.-L. Nancy, A. Rimoux ; Pascal Bonafoux, Miroir, mort, métamorphose

— Avant-guerre N°3, été 1985 : Roland Recht, Jardins avec paysage, ruines et ouvriers ; Roland Recht, Fenêtre sur jardin [à propos du film de Peter Greenaway, Meurtre dans un jardin anglais] ; Philippe Favier, six eaux-fortes gravées sur couvercles de conserve, reproduites au format 1/1 ; Charles Rosen , Interview par Marie-Laure Monfort ; Eric Darragon, François Boisrond dans le monde flottant. 
En couverture : un dessin d'Etienne Pressager

— En clôture d'abonnement à la revue Avant-Guerre : Jean-Claude Lebensztejn, Imiter sans fin le chant de l’aimable angelette, [sur Monteverdi] , Editions du Limon, Lyon, 1987