Scanreigh rencontre Jean et Maryvonne Binder en 2004 alors qu’ils sont les organisateurs avec le Musée des Beaux-Arts de Nîmes d’une grande exposition Lucien Coutaud. Pour des raisons de disponibilité, elle se tient dans les salles d’exposition très classe d’un l’hôtel particulier du 18e siècle, le même qui abrite l’Ecole des Beaux-Arts de Nîmes que Scanreigh a rejoint en 2003. L’artiste exposé est un parfait inconnu pour Scanreigh. Né en 1904 et décédé 1977, Lucien Coutaud, de la mouvance post-surréaliste, est ardemment défendu par le couple Binder. Non seulement ils collectionnent l’artiste à grande échelle mais ils sont les auteurs d’une documentation fouillée qui n’a rien à envier aux professionnels des musées et des salles de ventes. Ils sont en outre à l’initiative de nombreuses expositions et de publications sur l’artiste au point d’en être devenus les experts unanimement reconnus. Devant un tel engagement, comment ne pas chercher à comprendre. C’est en côtoyant les tableaux de Coutaud (nombreux !) dans l’appartement des Binder à Chalon-sur-Saône et en discutant avec eux que Scanreigh et moi avons appris à regarder cette œuvre. Sans cela nous n’aurions sans doute jamais poussé la porte de la galerie parisienne Les Yeux Fertiles qui exposait en 2011 ses tapisseries très remarquables et dont nous avions vu un exemplaire dans l’appartement chalonnais. Un beau dessin de Coutaud de 1947 (cadeau) trône depuis cette époque sur la cheminée de notre salon.
Ce n’est pas tout, c’est grâce à Jean et Maryvonne Binder que Scanreigh est entré dans la programmation de la Chapelle du Carmel de Chalon-sur-Saône, le couple ayant la responsabilité d’y organiser deux ou trois fois par an des expositions. C’est en prêtant main forte à un collègue artiste, qui exposait dans la Chapelle, que Scanreigh se voit à son tour invité à y présenter son travail. En 2006, c’est l’exposition « Légendaires », jouant à fond le contraste en opposant un mur de très grandes peintures sur bâche à un long mur tapissé de petits dessins. L’exposition est accompagnée d’un catalogue axé sur le dessin. Ça tombe à pic : la gravure que Scanreigh a pratiqué pendant vingt ans comme une ascèse a laissé la place au dessin qu’il pratique maintenant dans le même esprit.
Les choses n’en restent pas là. En 2013, c’est l’exposition « Stations du noir » ; la Chapelle retrouve des accents de sanctuaire avec des matrices en bois gravé aux allures de chemin de Croix. Ailleurs des dessins sur Canson noir et au centre de l’espace une installation de grandes peintures sur paravents.
Notre relation avec Jean et Maryvonne Binder s’est resserrée au fil des années par des rendez-vous autour d’une bonne table à Paris, Nîmes ou Chalon, avec toujours comme fil conducteur l’intérêt pour les collections, les archives et les œuvres imprimées.
Pendant l'épisode Covid, vient l’idée comme une boutade de proposer à Jean d’appliquer à Scanreigh sa méthode Lucien Coutaud (ou Félix Labisse, autre version de son interêt pour le surréalisme de l’après guerre) : une biographie pointilleuse, exhaustive, monumentale comme il sait les faire. (Qu’est ce que le confinement n’a pas fait germer comme projets !) Maryvonne suggère de commencer par une « une vie en images » avec une « simple » préface de Jean. On jugera de ce que « simple » peut parfois signifier !
L’ouvrage sur les rails, le défi a été pour nous de trouver des visuels pour chaque section de deux à trois pages par année, de 1972 à 2023. Plus facile pour les années « numériques » que pour les périodes où l’argentique, moins facile et plus cher, n’a pas toujours permis de fixer des moments importants. Mais le pari est tenu. La biographie en images est prête pour une troisième exposition Scanreigh, cette fois-ci dans la Halle Ronde de Givry, une ancienne halle aux grains de fière allure, située à proximité de Chalon et qui permet de mettre en valeur de très grandes toiles dans une circulation baignée de lumière.